Voici ce que raconte la légende sur l’écureuil qui faisait le matamore devant l’éléphant : » Alors l’éléphant se leva, prit du sel, des légumes et des épices et mit le tout dans la casserole où l’eau bouillonnait déjà. Et d’un coup d’ivoire, il souleva l’écureuil et le déposa dans la casserole qu’il referma aussitôt….l’écureuil bavard était devenu un Kédjénou muet…mais combien succulent. Depuis ce jour, l’éléphant recherche toujours de l’écureuil pour en faire son goûter ». La légende n’a pas été démentie ce dimanche 5 juin où de passage à Cotonou, les Eléphants ivoiriens se sont régalés d’écureuils grillés.
La défaite apocalyptique (6-2) continue de mettre l’opinion en boule devant la dignité dangereusement consumée ainsi qu’elle remue les tristes souvenirs de sorties calamiteuses du onze national. La mémoire agitée par la raclée reçue des Eléphants, plonge le présent dans l’enfer du passé. Les rongeurs arboricoles sont abonnés à l’échec et soumis à la soupe de la déception. Du citron secrété dans le bol du football. Les grands rendez-vous sont en effet manqués laissant un goût acide à l’optimisme béat. L’histoire de la Can offre le florilège des désillusions de nos Ecureuils. Le baptême tunisien en 2004 eut lieu dans le feu avec d’immenses dégâts : trois défaites en autant de matchs et zéro point assorti de huit buts encaissés contre un seul marqué. Quatre ans plus tard, les Ecureuils campent dans les nuées et quittent Sèkondi-Takoradi avec un compteur vierge. Ils subissent, dans la foulée, l’habituelle correction des Eléphants (4-1). La campagne angolaise n’a pas échappée à la règle. Le petit point obtenu de la piètre performance face au Mozambique n’a pu mettre fin à la tradition de l’élimination précoce. Le dernier 6-2 inscrit au passif de nos Ecureuils vient apporter l’engrais à la malédiction et à la honte accomplie.
On ne devrait rien espérer de cet animal selon l’aveu de l’Ecureuil lui-même qui proclame dans le « Loup et l’écureuil » de Léon Tolstoï, son incapacité à être agressif. En football, il faut apprendre à » faire mal » pour gagner un match. L’engagement y détient la clé de la victoire. C’est l’écureuil anxieux qui dans les fables alla demander conseil à un escargot pendu à une groseille. On se contente de quelques babioles alors que s’évanouit l’espoir de toute montée en puissance. A l’évidence, les prédateurs du jeu et du football ont pris de l’ampleur.
La Côte d’Ivoire de Didier Drogba a enfin pris l’initiative de la sanction. Que Dieu bénisse les Eléphants ! l’Ecureuil devient l’esclave de l’Eléphant. Le rongeur sous la coupe du pachyderme étale toute sa vacuité. La situation tarde toujours à sortir les responsables du football nichés à la Fbf, de la fiente de l’indifférence. Le goût pour l’anodin du président Anjorin et consorts trop controversés ne cesse de verser l’avenir du cuir rond dans les flacons de poison. La crise à la Fbf accouche logiquement d’un 6-2 dévastateur. Sur l’échelle de Richter, le séisme devrait atteindre un degré effrayant. La Fbf en fait drôlement, sur l’ascenseur de l’inconséquence, le cadet de ses soucis. En chassant un staff technique peuplé de feuilles mortes et de blancs becs, le gouvernement a fait un pas louable vers l’assainissement. Mais, la plaie béante et toujours puante reste intouchable, sans soin. Le mal a trouvé son incarnation dans les gestes et paroles de quelques dirigeants empotés, obsédés par l’argent du football.
A l’écureuil qu’il voyait assailli d’une forte tempête, le renard dit : » te voilà près d’entrer au cercueil. Et de ta queue en vain tu te couvres la tête. Plus tu t’es approché du faîte ». L’impitoyable Côte d’Ivoire a juste donné le coup mortel à une équipe en agonie. Et nous voici en sanglots et en chaudes larmes devant la belle élimination de l’équipe nationale de football.
9-06-2011, Sulpice O. GBAGUIDI