Le feuilleton fleuve de la crise à la Fédération béninoise de football (Fbf) est à l’épisode de l’entrée en scène officielle du gouvernement dans l’affaire. Un grand tournant marqué par une séance extraordinaire du Conseil des ministres avec un seul point à l’ordre du jour. La messe ministérielle est consacrée exclusivement à l’évolution de la situation à la Fbf. Avec un sermon étonnant que conclut une curieuse décision, le conclave du mercredi tombe dans l’inachevé. Du coup, on prend à nouveau l’ascenseur du pessimisme. Et la crise devient multimultidimensionnelle. Il y a comme de l’huile jetée sur le feu. Gare aux dégâts !
Le Conseil des ministres a pris deux résolutions porteuses des germes de l’escalade : l’annulation jusqu’à nouvel ordre de la prise de service opérée par le Comité Exécutif dirigé par Monsieur Victorien Attolou en attendant le règlement du présent contentieux en accord avec la Fifa et le rétablissement dans l’exercice de ses fonctions à la tête de la Fédération béninoise de football de l’équipe d’Anjorin Moucharafou. En clair, le gouvernement annule l’arrêt de la Cour d’Appel qui a ordonné la passation de service et l’exécution sur minute de sa décision. Or, le pourvoi en cassation n’est pas suspensif de la décision en appel qui est d’emblée exécutoire. On sent l’odeur de l’immixtion de l’Exécutif dans le judiciaire. Et le vent d’un bras de fer entre la justice et le gouvernement souffle déjà sur le soi-disant pays de démocratie. Le spectre de l’intrusion de 2007 plane. Le Conseil des ministres avait alors suspendu des décisions de justice en matière immobilière. Sûr que cette frustration va encore s’emparer des magistrats. » Le souvenir de la douleur est douleur encore » disait Lord Byron. Les plaies morales ne se sont pas cicatrisées.
Avec le coup de pouce et le parapluie du pouvoir à Anjorin Moucharaf, la crise du football prend de l’ampleur. On n’est plus au choc Attolou-Anjorin mais à une crise entre le gouvernement, la justice béninoise, la Fifa et les deux camps Attolou et Anjorin. Parce que l’équipe Yayi a décidé d’affronter la justice de son pays et de baisser pavillon devant la Fifa, cette Ong de football basée à Zurich et qui fait trembler le pouvoir élu par K.O. On a choisi d’humilier la justice et de mettre la Fifa sur le piédestal.
De la crise du football on est passé à celle de la démocratie. La remise en cause systématique de décisions de justice en est la manifestation affreuse, symptôme du grand malaise. C’est foutu ! J’imagine Montesquieu en pleurs. Son principe de séparation des pouvoirs est si charcuté qu’il laisse le système en lambeaux. Pour sauver Anjorin, on a tourné en dérision le juge d’appel et on l’a offert en spectacle, au nom d’un motif artificiel de respect des engagements internationaux.
Le choc Attolou- Anjorin cède au face-à-face Yayi-magistrats par la seule volonté du gouvernement, dont la méthode a abouti à la provocation. La tournure que prennent les évènements entame notre fierté fleurie par un renouveau acquis, il y a 22 ans, à la conférence des forces vives de la nation. Je frémis à l’idée que l’Etat de droit est gouverné par ce qui porte le manteau de la flagrante ingérence de l’Exécutif. Et voilà l’autorité de nos magistrats, autre symbole de la souveraineté, bafouée au profit de la royale Fifa dont les noces avec la refondation locale valident la tension.
Ni le camp Anjorin Moucharaf ni celui de Victorien Attolou ne détiennent la clé de la résolution de la crise. Comme le gouvernement a jeté le masque et confié à la voirie l’arrêt de la Cour d’Appel, un nouveau front est ouvert. La grande inconnue reste la réaction de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab). Si les magistrats ne réagissent pas à l’affront, la crise prendra fin. Or, pour être dignes, ils pourraient se lever comme un seul homme et apporter la réplique à l’abus.
Bien malin qui dira l’épilogue de la crise. Le gouvernement n’a pas éteint le feu. Et l’horizon est sombre.
26-07-2012, Sulpice O. GBAGUIDI
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