Chronique de Sulpice O.Gbaguidi:La logique de l’échec

Chronique de Sulpice O. GbaguidiLe Bénin presque éliminé se déplace à Bujumbura pour se frotter dimanche aux Itamba (hirondelles) et jauger son état de santé. Ces éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2012 ont condamné les Ecureuils depuis le passage des Eléphants de la Côte d’Ivoire à Cotonou et cet humiliant 6-2 aux séquelles morales indélébiles. L’insolite voyage en terre burundaise inscrit dans l’agenda va permettre d’éviter un forfait irresponsable susceptible de provoquer la colère de la CAF.

Mais, on ne devrait rien attendre de ce match contre le Burundi devant l’irréversibilité de la logique de la défaite. Les pronostics de la Raison donnent les Ecureuils perdants. Ils n’ont pas les faveurs du baromètre ni celles du marquoir. L’équipe nationale de football, sauf séisme improbable, est partie pour concéder les trois points à un adversaire qui a réussi à arracher le nul (1-1) au stade de l’amitié lors de la manche aller. Les principes de la raison évoqués par Leibniz ou Heidegger et même ceux de la raison pure de Kant ne donnent pas vainqueur le Bénin. Les faits donnent du grain à moudre à la Raison. D’abord, le pays est sans championnat et les joueurs n’ont pas de compétition dans les jambes. C’est donc une équipe sans boussole qui s’apprête à se livrer hors de ses bases. Ensuite, cette incongruité est amplifiée par un déficit cruel, celui de professionnels évoluant à l’étranger. Beaucoup portent le masque de professionnels pour se confiner dans le simiesque. Quelques blancs-becs de division inférieure appelés en renfort, jouent plutôt les « renfaibles ». Enfin, l’impréparation autorise l’échec. L’expédition burundaise apparait comme un saut dans l’inconnu pour le onze national sevré de matchs amicaux. La crise à la Fédération béninoise de football (Fbf), cheveu sur la soupe, est une cause supplémentaire du désastre annoncé. La Raison plaide pour la défaite voire la débâcle face à une modeste équipe burundaise.

La sentence de la Raison est cependant en conflit avec les pronostics du cœur. Et le cœur croit en une bonne performance des Ecureuils. L’amour pour la Patrie et les choses de la Patrie suggère un soutien sans faille à l’équipe nationale. Le risque d’un soutien aveugle flambe dans ce contexte de pourriture avancée où le football est en déliquescence. Plus anecdotique, le cœur n’a plus l’appui des choses obscures. Nos gris-gris ont été réduits en poudre par les pachydermes. Sous un déluge de buts tombé dans l’antre des Ecureuils, les incantations sonnent comme un délire. La force occulte et les amulettes naufragées, cèdent à une remise en cause du job de nos soi-disant « préparateurs psychologiques ». La Raison l’emporte sur le cœur. La logique de la défaite résiste à nos espérances loufoques. Seul l’instinct défie la Raison sous les décombres asphyxiants du football.

Dans ces fumées de déboires et cette élimination précoce, l’avenir du football devient un souci. Le décor pollué exige une vaste salubrité. La paix des braves relève de la nécessité. Pour y arriver, il urge d’écraser les orgueils et de se débarrasser de l’obsession du « moi ». L’impact du malaise du ballon est lourd. On fait le deuil du professionnalisme. Deux situations attisent le désespoir et installent l’impasse. L’incarcération du président de la Fbf Anjorin Moucharaf et la fermeture du Cifas, symbole du retrait de Sébastien Ajavon du football. La rue ne grouille pas de mécènes de la catégorie d’Ajavon.

Chaque siècle produit son Ajavon local pour le football. La réouverture du Cifas et une nouvelle implication de ce pilier de la ligue professionnelle feront ressusciter l’espoir inhumé par la crise. La sortie d’Anjorin Moucharaf de la geôle ne manquera pas d’avoir un effet positif sur la quête de la réconciliation. Pas un Anjorin forcément à la tête de la fbf, mais un Anjorin libre avec une expérience pédagogique et fertile de la privation de la liberté.

L’Adieu à la Can 2012 ne doit pas être un Adieu à toutes les autres phases finales de la prestigieuse messe continentale. Que le ballon roule à nouveau, seule condition pour le rêve d’un succès à l’échelle africaine. Qu’il roule et qu’il tourne !

1er-09-2011, Sulpice O. GBAGUIDI

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